Darfour | Guerre Villes-Campagnes ?


Darfour | village traditionnel abandonné

Darfour : une guerre villes-campagnes ?

Marc Lavergne
Revue Géographique de l'Est | 2009

La guerre du Darfour, qui a entraîné le déplacement d’un tiers de la population, et un bouleversement général de l’économie agro-pastorale, a brutalement accéléré l’urbanisation de la région. Ce mouvement de regroupement de la population a été favorisé et rendu irréversible par l’intervention militaire et humanitaire internationale, la population déplacée étant désormais tributaire de l’aide et des modes de vie nouveaux qu’elle a introduit. Pour le gouvernement soudanais, les villes sont les lieux du contrôle de la population et de l’uniformisation des valeurs au niveau national, par l’éradication des identités et des sentiments régionaux, et les centres d’une économie coloniale d’un type nouveau, où la prédation de la caste dirigeante du centre se fait en fonction des impératifs et des contraintes de la mondialisation.


A partir de l’exemple du Darfour, cet article vise à montrer l’apparition d’un nouveau paradigme de la relation villes-campagnes dans l’ensemble des Suds déchirés par des guerres locales. De nombreux conflits de la seconde moitié du XXe siècle sont l’expression, derrière les revendications ethniques ou économiques, d’une revanche des campagnes sur les villes. Cette revanche a pu servir de toile de fond à la phase d’édification d’Etats-nations, que l’on songe à la mainmise de la minorité alaouite sur l’Etat en Syrie, aux dépends des bourgeoisies citadines des métropoles de la Syrie centrale, aux conflits qui derrière les apparences communautaires, ont opposé jusqu’à la dernière guerre (1975-1991) les montagnards maronites, chiites ou druzes aux élites urbaines sunnites et grecques-orthodoxes des cités côtières et voué à la destruction Beyrouth, moderne Babylone, son cosmopolitisme et sa culture de la coexistence, comme à celle de Sarajevo la cité ottomane anéantie par la rage vindicative des montagnards serbes de Pale, tenants de la pureté ethnique face au cosmopolitisme.

On pourrait multiplier les exemples, et évoquer l’élan wahhabite issu du Nedjd au XVIIIème siècle pour contraindre à une orthodoxie d’essence bédouine les bourgeois du Hedjaz, détenteurs de la garde des Lieux Saints. Cette révolte, qui se traduit par la prise du pouvoir d’une armée formée de ruraux avides de revanche sur les grandes bourgeoisies acculturées et adeptes d’une démocratie formelle de type occidental, n’est certes pas propre au monde arabe, et marque une époque, celle des décennies post-indépendance, des années 50 aux années 70. On peut en voir un dernier avatar ou une résurgence dans le combat du sous-commandant Marcos au Chiapas, et de certains des pouvoirs implantés récemment en Bolivie ou au Venezuela, parfois sous la forme d’un soutien non plus tant directement des campagnes que des déshérités urbains qui en sont issus.

A cet ancien paradigme, encore à l’oeuvre dans des Etats où se poursuit la quête de l’Etat-nation et une résistance à la déferlante de la mondialisation et de la fin de l’Histoire, s’opposerait un nouveau paradigme, à la polarité inversée. Ce serait désormais la ville, c’est-à-dire les citadins et les logiques qui les animent, qui prennent le dessus, et qui visent à une mainmise d’un type nouveau sur les campagnes. Partout, on assiste à une remise en cause des réformes agraires, allant jusqu’à la restitution des terres à leurs anciens propriétaires. Ce qui indique non seulement une inversion du rapport de forces entre les groupes sociaux, mais aussi une réappréciation de la production agricole. Celle-ci est patente, à la fois avec la prise de conscience des enjeux alimentaires à l’échelle mondiale, et avec l’augmentation rapide de la demande de nouvelles catégories de consommateurs, stimulée par l’ouverture des marchés et des échanges dans le cadre, si l’on peut dire, de la mondialisation et de l’OMC. Cette réappréciation de la production agricole se fait sentir jusque dans les terroirs les plus reculés, leur valeur ne s’évaluant plus désormais dans un cadre national, mais international, et en prenant simplement en compte la possibilité matérielle et technique de la production et de son transport jusqu’aux marchés de consommation.

Le cas du Darfour est de ce point de vue particulièrement éclairant, dans la mesure où il s’agit d’une situation extrême. Quel endroit de la planète peut sembler plus reculé que cette région du Sahel à égale distance du golfe du Bénin et de la mer Rouge, entre Sahara et étendues de savane désertées sous l’effet conjugué des razzias d’esclaves du XIXe siècle, et de fléaux comme la trypanosomiase et le paludisme ? Pourtant, la guerre qui s’y est déroulée en 2003-2004, sous les feux des médias et un déluge de discours et d’actes compassionnels, mais dans l’indifférence et l’incompréhension des acteurs politiques internationaux, peut être lue comme la réaffirmation de l’intérêt d’acteurs économiques importants pour cette « res nullius », jusqu’ici abandonnée à son sort et apparemment dénuée d’attraits stratégiques.

Le Darfour, bloqué dans une phase attardée de développement, se trouve dans une situation paradoxale : tandis que les rebelles revendiquent tout comme leurs homologues du Sud-Soudan, « plus d’Etat », c’est-à-dire l’intégration de leurs mandants dans un Etat-nation soudanais en gestation, le gouvernement militaro-islamiste de Khartoum, engagé dès sa prise du pouvoir en 1989 dans une post-modernité décomplexée, n’envisage le territoire et la population soudanais que comme des ressources à valoriser.

Dès lors, la contre-insurrection dévastatrice et meurtrière décidée par le pouvoir central contre la population civile du Darfour apparaît, comme dans d’autres conflits africains de la décennie, comme un dernier avatar de la dépossession de la terre, sous sa forme la plus brutale et la plus primitive.

L’exode massif de la population rurale vers les camps et les villes du Darfour est ainsi l’exact contrepoint d’une politique d’aménagement du territoire ayant en vue l’établissement d’un équilibre villes-campagne, intérieur et littoraux, centre et périphéries, dans le cadre d’un Etat-nation et d’un projet de développement économique et social national.

Cet article se propose donc de montrer comme s’opère cette inversion de polarité au travers de la guerre, comment le transfert massif de population rurale vers les villes en est non pas un corollaire, mais un objectif principal, et comment l’urbanisation du Darfour en est bouleversée.


Figure 1 : Le Darfour et le Soudan central


I. L’inversion de la polarité ville-campagne

Le Darfour apparaît dans l’histoire moderne comme un sultanat fondé au XVIIe siècle à l’orée de la plus orientale des pistes caravanières qui traversent le Sahara, le darb el-Arbaïn. Celle-ci relie l’Egypte et la Méditerranée orientale au bassin du lac Tchad et au golfe du Bénin, voire même, lorsque la voie du Nil est coupée, à l’Abyssinie.

C’est avant tout un pays de villageois en son centre, entouré à sa périphérie de pasteurs nomades. Les villes du Darfour sont peu nombreuses et leur destin est instable : sièges du pouvoir politique – la cour du sultan, qui se déplace en fonction des besoins militaires et de la stabilité interne –, sièges des douanes au débouché des pistes caravanières aux lisières du désert au nord, et marchés ruraux à l’intérieur.

Jusqu’au XIXe siècle (le sultanat ne perdra son indépendance qu’en 1916), cette urbanisation dépendante des flux commerciaux dont elle est le maillon central n’engendrera pas de bourgeoisie endogène. Pouvoir politique et économique se confondent largement, le sultan lui-même étant engagé dans la collecte des ressources dont la principale devient au XIXe siècle, le commerce des esclaves razziés dans les régions de savane et de forêt plus méridionales.

Cette activité commerciale reposant sur l’échange de produits « naturels » tirés d’Afrique et de produits manufacturés importés d’Egypte ne favorise pas le développement de la production locale ni sa transformation pour une meilleure valorisation.

Le Darfour est pourtant une région privilégiée par des conditions naturelles qui permettent une production agricole diversifiée : grâce au château d’eau du jebel Marra qui culmine à plus de 3000 m d’altitude, le pays produit céréales, fruits, légumes et bétail en abondance. Mais le système d’exploitation des terres, en vigueur jusqu’à nos jours, assure la stabilité des terroirs agricoles et attribue aux groupes nomades des terres de parcours bien identifiées ; les échanges s’opèrent donc directement entre groupes voisins, à la faveur des transhumances, et en s’appuyant sur la diversité des terroirs et des productions au niveau local. Cette situation d’autonomie des groupes humains, le pouvoir politique extrayant sa rente principale du commerce extérieur, a engendré une stabilité notable et la carence du développement urbain.

L’occupation britannique, motivée par des considérations sécuritaires et géostratégiques (la 1ère guerre mondiale) et non pas par une volonté d’exploitation économique, n’a eu qu’une influence minimale, sur le mode de l’indirect rule : découpage administratif, affectation des territoires tribaux en fonction des allégeances des groupes en présence. Les chefs-lieux de province ou de district n’ont servi qu’à un encadrement administratif minimal et à la liaison avec le reste du Soudan, dont le Darfour devient alors une province excentrée et enclavée, ruinée par la fin de la traite des esclaves et la disparition du débouché égypto-ottoman. La scolarisation elle-même est réduite au minimum, et la première école normale, censée fournir des employés locaux aux niveaux inférieurs de l’administration, ne sera fondée qu’une vingtaine d’années après ses homologues du Sud-Soudan ; aucune activité missionnaire chrétienne ne vient suppléer les carences de l’administration coloniale à la différence du Sud-Soudan, et l’éloignement des centres de consommation de la vallée du Nil dissuade tout développement d’une classe de commerçants : seuls sont exportés des produits supportant le transport : tabac en pâte, bétail sur pied, agrumes et pastèques.

Deux facteurs viennent toutefois rompre cet équilibre économique et démographique : la population augmente rapidement durant tout le XXe siècle, passant de 300 000 à 6 millions aujourd’hui, sans que les ressources agro-pastorales n’augmentent en proportion. D’autre part, la région est progressivement désenclavée à partir des années 50, pour permettre une meilleure exploitation de ses ressources et de sa force de travail.

La hausse de la population s’opère sous l’effet de la pax britannica, qui interrompt les guerres tribales et crée un réseau de centres de santé et de soins vétérinaires. Mais les investissements productifs sont réservés au Soudan nilotique et en particulier à la Gezira entre Nil Bleu et Nil Blanc. Aucun effort de développement rural pour mettre en valeur les ressources locales au bénéfice de la population, n’est engagé : ni retenues d’eau sur le pourtour du jebel Marra, ni centres de vulgarisation pour améliorer les rendements, ni développement de l’irrigation à partir des fleuves ou des nappes. Ni l’autorité coloniale, ni les gouvernements post-coloniaux qui lui succéderont, dans le respect du pacte colonial vouant le Soudan à l’exportation de matières premières en échange de produits manufacturés, ne doteront le Darfour de routes goudronnées, d’écoles, ou d’hôpitaux. Le seul effort notable est le prolongement de la voie ferrée d’El-Obeid à Nyala, en 1960, entièrement financé sur le budget de l’Etat, dans une période de tentative sans lendemain de déconcentration du développement et de valorisation des ressources locales. Le train permet de transférer en une semaine en hiver, un mois ou plus parfois durant la saison des pluies, le bétail et les hommes vers la capitale et les exploitations agricoles de l’Est. La sous-exploitation des terres du Darfour, imposée par la distance et les difficultés de communication, entraîne en effet au fur et à mesure que croît la population, un exode saisonnier en direction de la capitale et des grandes exploitations mécanisées des steppes de l’Est et des rives du Nil Bleu. Et de la Gezira à Gedaref, villes et villages accueillent progressivement une population en majorité originaire de l’Ouest du pays : ces migrations saisonnières qui deviennent parfois définitives permettent de remédier au manque de population mobilisable sur place lors des récoltes. Pour les villageois du Darfour, c’est la possibilité de passer la période critique de la soudure, où les greniers sont vides, et de gagner de quoi payer l’impôt de capitation créé par le pouvoir colonial.

En un temps où les terres fertiles du Darfour sont inaccessibles pour les capitaux de la capitale, à la différence des terres de l’Est et du Soudan central, encore disponibles en abondance au prix de l’expulsion de leurs cultivateurs ancestraux, le facteur de production déficitaire est la main d’oeuvre. La situation va progressivement se transformer à partir des années 80.

Le déséquilibre alimentaire engendré par l’absence de développement rural, l’indifférence du gouvernement central et la croissance démographique ont déclenché en 1984-85 une « famine » meurtrière. Le seul recours pour les hommes est de partir chercher du travail en ville, et de là de gagner Khartoum et d’autres villes du centre du pays. Les grandes migrations internes au Darfour d’une part, qui voient de profondes reconfigurations des rapports entre sédentaires et nomades, la débauche d’« aide » internationale qui se déploie à partir des principales villes de la région, vont modifier radicalement et définitivement le rapport entre villes et campagnes. Et la guerre qui va éclater en février 2003 sera la conclusion logique de cette inversion des rapports, où les paysanneries et les sociétés tribales nomades sont systématiquement marginalisées par les élites urbaines inscrites dans une logique d’exploitation en relais d’un système économique mondial.


II. Les conflits soudanais : une élite urbanisée contre le monde rural. Un nouveau paradigme de la guerre coloniale ?

Les centres urbains des régions du Soudan frappées depuis des décennies par la guerre ou par des crises alimentaires ne vivent plus de l’encadrement administratif ou de l’exploitation des campagnes, c’est-à-dire de fonctions classiques de service ou de commerce, mais de la réception et de la distribution de produits et de services (y compris militaires) importés de l’extérieur.

Par ailleurs, leur population gonfle de façon brutale et incontrôlée, sous l’effet de push factors bien supérieurs aux pull factors : les campagnes déversent leur population traumatisée, pourchassée, dans des villes qui n’apportent aux survivants que la sécurité et quelques secours, au prix d’une dépossession matérielle et morale. Et même si cette population est prête à retourner dans ses villages dès que la situation le permet, comme cela s’est vérifié dans le cas des monts Nouba ou du Sud-Soudan au lendemain des accords de paix signés en 2002 et 2005 respectivement, le retour à la situation antérieure est définitivement fermé par les épisodes de rupture vécus, et par la familiarisation forcée, souvent durable, avec un nouvel environnement urbain.

A. L’urbanisation en catastrophe

La guerre est d’abord une guerre entre ruraux : la compétition traditionnelle, épisodique, entre nomades pour l’accès aux puits et aux pâturages est exacerbée, puis, ne suffisant plus à réguler la survie des tribus nomades, évolue en une compétition entre nomades et sédentaires : ces derniers, plus nombreux, mieux pourvus, sont vulnérables face aux nomades mobiles et mieux armés, formés aux confrontations guerrières. Les nomades revendiquent un accès aux terres fertiles pour se sédentariser, et exigent une modification des droits fonciers fixés au temps de la colonisation britannique. Ils obtiennent le soutien de l’Etat central, inquiet face aux revendications des sédentaires d’un meilleur partage des richesses et d’accès au pouvoir politique au niveau local et central, soutenus par les jeunes ayant un accès à l’éducation dans les chefs-lieux de la province et à la capitale. Ces conflits locaux entraînent une désorganisation économique des campagnes, par l’interruption des marchés ruraux qui permettent les échanges vitaux entre nomades et sédentaires. Mais cette désorganisation entraîne également la ruine de la fonction commerciale des villes, dont les marchés sont le lieu d’échanges entre la province et le monde extérieur, et où les ruraux, mais aussi les colporteurs qui parcourent la campagne et les marchés ruraux, viennent s’approvisionner ; les villes sont dans un premier temps les victimes de la guerre d’annihilation déclenchée par l’Etat. Les marchands de gros de produits importés, tout comme les collecteurs et les exportateurs de produits des campagnes, les transporteurs routiers sont réduits à l’inaction. Ils sont affiliés aux grandes confréries religieuses, à des mouvements politiques, et ont souvent partie liée avec les autorités. Leurs intérêts sont cependant opposés à ceux de l’Etat, ce qui provoque des dissensions et des débats autour de la politique à suivre à l’égard de la province, et préfigure un arbitrage entre intérêts économiques locaux et au niveau du pouvoir central.

Mais dans un second temps, au bout d’un an de massacres et de déplacements forcés de population, le gouvernement central, ayant atteint ses buts de guerre, se conforme aux demandes de la communauté internationale, qui correspondent désormais à ses intérêts tactiques. Les opérations militaires sont interrompues en avril 2004 (cessez-le-feu humanitaire de Ndjamena) et la porte est ouverte à une assistance humanitaire massive, financée par des fonds internationaux et grâce à une médiatisation trompeuse mais efficace auprès de l’opinion publique.

B. Les moteurs de la croissance urbaine

1/ Le déplacement en catastrophe de la population des villages attaqués et incendiés, de nuit, se fait en direction des zones protégées : les villes sont une destination logique, les janjawid et l’armée ne pouvant procéder aussi impunément dans les villes à des massacres et à des viols que lorsqu’ils sont à l’abri des regards et, éventuellement des caméras.

Il est à noter que souvent, les attaques sont précédées de signaux incitant la population à fuir : mises en garde de la part des policiers locaux ou même abandon des postes de police censés protéger les villageois ; survol des villages par des bombardiers ou des hélicoptères de combat en reconnaissance de la zone ; menaces des janjawid qui maraudent à l’écart des villages. Les autorités cherchent à faire partir les habitants à moindres frais, les massacres et les viols n’étant qu’un moyen de terrifier les habitants et d’éliminer les mâles adultes ou de les humilier et donc de les anéantir psychiquement.

La recherche d’un refuge en ville ou à proximité répond donc à un besoin des victimes, mais aussi au souhait des autorités de placer la population supposée rebelle sous son contrôle. Cette motivation commune à toutes les guerres de contre-insurrection se couple ici, très clairement dans l’énoncé des janjawid et à la lecture de la carte des déplacements forcés, avec la volonté du gouvernement de récupérer durablement le contrôle du « Darfour utile », celui des populations sédentaires (les Four et les nombreux autres peuples du Darfour central) qui s’inscrivent dans le triangle entre les trois capitales régionales (Nyala, El-Facher, El-Geneina) sur les plateaux périphériques du jebel Marra.

2 /A ce push factor initial s’ajoute un pull factor qui confère sa durabilité au transfert de population : les trois capitales précitées, dotées d’aéroports équipés, mais aussi de nombreuses petites villes aux fonctions régionales (Kutum, Kebkabiya, Zelingei…) se voient dotées en peu de temps des nouvelles fonctions engendrées par la crise :
- étoffement de l’appareil gouvernemental, avec ses organes de répression (casernes, prisons, forces de sécurité et milices pro-gouvernementales (Forces de Défense Populaire), mais aussi ses organes « humanitaires » (Humanitarian Aid Commission, ONG islamiques…) ;
- installation massive d’étrangers ;
- militaires en majorité africains, d’abord chargés de faire respecter le cessez-le-feu (ou plutôt de protéger les observateurs internationaux), puis d’une mission de protection de la population civile ; leur nombre passera de quelques centaines en octobre 2004, lors de leur arrivée, à plusieurs milliers répartis en huit secteurs, dirigés chacun par un pays participant. Re-casquée par l’ONU, la Mission de l’Union Africaine au Soudan (MUAS), rebaptisée MINUAD, compte aujourd’hui près de 10 000 hommes. Les détachements, installés près des aérodromes, ne circulent pas en ville. Ils restent le plus clair de leur temps dans leurs casernements, attendant une solde qui bien que financée par l’Union Européenne et aujourd’hui par l’Onu, ne leur est pas versée régulièrement et qui ne leur parvient qu’amputée des ponctions effectuées par leurs gouvernements et par la hiérarchie civile et militaire de l’Union Africaine. Le résultat, pour ce qui nous concerne ici, est que cette armée au lieu de protéger la population civile, se livre à toutes sortes de trafics : par la voie aérienne avec Dubaï, servant ainsi de plaque de redistribution de marchandises en direction des pays d’où proviennent les contingents, et avec le Tchad qui fournit essentiellement l’alcool, prohibé au Soudan ; ces trafics s’accompagnent de prostitution, les contingents nationaux étant pour partie composés de personnel féminin, en particulier la « Police civile ». Si les soldats et les officiers sont peu visibles en ville, ces trafics impliquent des complicités soudanaises, parmi les commerçants et l’administration civile et militaire ; ils ont donc une incidence directe sur l’urbanité des villes du Darfour, transformés en villes de garnison et sièges d’activités réprouvées par la population civile, dont la piété est proverbiale dans le reste du Soudan. Ceci ne peut que satisfaire le gouvernement central, qui voit d’un bon oeil la méfiance et la déception des populations du Darfour à l’égard des étrangers censés la protéger.
- « humanitaires » venus du monde entier ; ce n’est qu’à l’automne 2003 que les premières organisations humanitaires internationales prennent conscience de la gravité de la situation au Darfour et il faut attendre le printemps 2004 pour qu’elles se mobilisent effectivement. C’est alors un déferlement d’aide et de personnels qui investissent les grandes villes et quelques points d’appui locaux. On comptera, dès 2005, 80 ONG qui emploient 14 000 agents étrangers et locaux. Si les grandes organisations internationales déterminent elles-mêmes leur mode et leur lieu d’intervention, avec les moyens logistiques dont elles disposent, la plupart ne sont que des opérateurs pour les agences internationales qui distribuent des fonds. Dans la compétition qui se déroule pour l’accès aux fonds de l’ONU, de l’Union Européenne ou de l’USAID, il importe de maximiser le ratio coût-bénéfice, et de privilégier la faisabilité et la visibilité des opérations de secours sur leur utilité. Le résultat est une concentration de ces agences et de leur personnel dans les grands centres, aisément accessibles depuis la capitale et connectés au monde extérieur ; les agences y louent à prix d’or les villas et les bâtiments nécessaires à leur activité, y recrutent les rares employés de la place parlant anglais ou possédant une compétence technique (comptables, laborantins, opérateurs radio, démarcheurs, gardiens, secrétaires…), à des salaires exorbitants selon les normes locales. Ces recrutements locaux sont complétés par un personnel qualifié importé de Khartoum ou d’autres régions du Soudan. Ces ONG sont très visibles, elles donnent désormais à ces grandes villes une touche internationale et il n’est pas exagéré de dire que ces villes vivent désormais à leur rythme : les habitants et les déplacés deviennent vite familiers de leurs sigles, de leur identité, de leur mode de fonctionnement, des opportunités qu’elles offrent. Une vie sociale se créée autour de cette population cosmopolite, jeune, mixte, dont la vie est rythmée de fêtes bien arrosées, et qui s’affairent à l’hôpital, sur les marchés, dans les bureaux de l’administration.

En revanche, les régions éloignées sont délaissées, quels que soient les besoins recensés ; les ONG drainent donc, pour des raisons de confort et de commodité, la population rurale dans les filets du gouvernement, et rendent, sous couvert d’urgence, d’autant plus difficile le retour ultérieur des déplacés sur leurs terres abandonnées.

- les grandes agences de l’ONU ou d’organisations émanant de différentes institutions étrangères nationales ou internationales (USAID, Union Européenne…). Le PAM met en place des ponts aériens, des largages de vivres et des convois de camions pour acheminer l’aide alimentaire : toute une lourde infrastructure de bureaux, de hangars, de garages, à travers la région, fonctionnant grâce à une armée de chauffeurs, de mécaniciens, de personnel administratif. Les autres agences (UNICEF, PNUD, OCHA, ECHO) s’affairent également pour améliorer les conditions de vie des déplacés : les résultats (soins médicaux, scolarisation, latrines…) se mesurent surtout en termes d’affichage, auprès de l’opinion publique internationale ou des bureaux de New York, de Bruxelles ou de Genève. Les bénéficiaires font d’ailleurs des évaluations assez justes de cette intervention humanitaire en termes de cost efficiency, et en termes d’objectifs : elle néglige en effet le fait fondamental qui est la volonté des victimes de retrouver au plus vite leur foyer, tandis que l’aide humanitaire ne contribue qu’à rendre la vie des camps supportable, ou plus modestement à éviter une catastrophe humanitaire dont le gouvernement soudanais serait embarrassé.

3/ L’Etat prend sa part de cette mutation urbaine, avec de modestes travaux d’infrastructures, comme le goudronnage du tarmac des deux aéroports de Nyala et El-Facher, bientôt suivis de celui de la piste d’atterrissage damée d’El-Geneina : la voie aérienne est désormais le cordon ombilical du Darfour, et les villes qui émergent sont celles qui sont dotées d’une piste d’atterrissage, si modeste soit-elle : Zelingei d’où il faut chasser les ânes et les enfants avant chaque atterrissage, Kebkabiya bordée par le casernement de l’Union africaine, Sereif Omra au milieu des champs de sorgho, Kas au nord de son wadi…. Le goudron, produit par la raffinerie voisine d’El-Obeid, est aussi étalé sur les chaussées qui desservent les quartiers des étrangers : Nyala fait belle figure aujourd’hui, avec son ruban de bitume qui mène des quartiers de villas, de restaurants et de bureaux climatisés des agences humanitaires jusqu’à l’aérodrome, et El-Facher, malgré la poussière et les ordures amoncelées dans son lac desséché au pied de l’ancien palais du sultan, a meilleure allure que Ndjamena, pourtant capitale du Tchad voisin… Des capitaux locaux s’investissent dans la rénovation de villas et de bureaux loués aux agences étrangères, dans l’équipement de télécommunications, le parc automobile et de camions. Une partie des capitaux engendrés par le déversement des fonds étrangers demeure sur place, investi dans des plans à plus long terme. Déjà, des abattoirs modernes se construisent à Nyala, et les voies ouvertes par les camions de l’aide fonctionnent dans l’autre sens, exportant les produits de valeur vers Khartoum ou la Libye. Même les avions gros porteurs de l’ex-URSS, naguère chargés d’armes en violation des embargos, ou de cargaisons humanitaires, sont recyclés dans le transport des marchandises à partir du Darfour : viande en carcasses à destination du Golfe, pastèques et oranges vers la capitale…

La fièvre humanitaire et l’intérêt international pour le Darfour retombent, sans avoir produit d’effet pour les populations victimes, toujours parquées dans leurs camps et tenues à l’écart de l’activité agro-pastorale qui est la leur depuis toujours. Mais déjà les villes du Darfour sont le siège de nouvelles dynamiques, impulsées de la capitale, voire de l’étranger proche (Libye, Golfe), mais aussi par les changements socio-culturels issus de la guerre.



C. Un changement culturel organisé et irréversible

Le résultat le plus incontestable de cette mobilisation « en faveur » du Darfour a été de faire de ses centres urbains des pôles d’attraction et d’acculturation puissants. La province passe brutalement d’une situation d’enclavement et d’ignorance du reste du monde – qui le lui rend bien – à une situation de surmédiatisation et d’envahissement par des étrangers venus de toutes les continents 1. Les villes deviennent des lieux fantasmés d’accès à un emploi, à une formation, à un avenir différent pour les jeunes. Elles renversent les hiérarchies sociales et les valeurs : les savoirs exigés pour la survie ne sont plus ceux du village, mais ceux de l’accès aux ressources : rations, médicaments, outils, emplois…les Anciens sont défavorisés par rapport aux jeunes, et d’une certaine façon les hommes par rapport aux femmes. Le pouvoir lié à la richesse en bétail ou en terres s’est dissipé, il est remplacé par celui que confèrent la maîtrise de l’anglais, la détention d’un permis de conduire ou l’appui d’un parent ou d’un contribule.

Les armes apparaissent progressivement dans les camps, ainsi que les réseaux de trafics de matériels volés (téléphones portables ou satellitaires, véhicules tous terrains…), la police et l’administration sont exclus de certains grands camps comme Kalma, dont l’administration est prise en main par des comités liés au principal mouvement rebelle.

L‘urbanisation ne consiste donc pas seulement en une augmentation drastique du nombre de citadins (passé entre 2003 et 2009 de 10 % à 50 % au moins de la population) mais surtout en un bouleversement des polarités et des valeurs qui touche l’ensemble de la population, ruraux compris. Changement d’activités, ouverture sur le monde, élargissement des perspectives d’avenir.

Cette évolution a été souhaitée par le gouvernement, qui y voyait un moyen d’intégrer et de soumettre la population à son projet d’uniformisation culturelle, suivant un modèle « jacobin » mis en oeuvre depuis vingt ans dans l’ensemble du pays, et appuyé sur deux piliers complémentaires : l’arabisation et l’islamisation.

L’arabisation s’impose dans un milieu urbain où se côtoient tous les peuples du Darfour et du reste du Soudan, et où l’administration sous toutes ses formes est désormais une présence permanente. Elle progresse aussi auprès des jeunes scolarisés, souvent avec le soutien de l’UNICEF, à travers des programmes qui promeuvent une vision exclusivement arabe de l’identité soudanaise, et conduisent à une dévalorisation systématique des langues et des cultures régionales.

L’islamisation semblerait à première vue hors de propos, dans une région entièrement et profondément islamisée. Pourtant, l’urbanisation forcée a pour résultat d’inculquer dans les jeunes générations une conception et une pratique et de l’islam radicalement différente de celui des ancêtres : un islam scripturaire, révisé à l’aune d’une modernité techniciste, un islam dépourvu de racines et simple vademecum du bon citoyen tel que le rêvent les maîtres du Soudan, contre l’islam des traditions et des sagesses confrériques, proche du peuple, de ses valeurs et de ses attentes, et faisant bon ménage avec des traditions plus anciennes encore, inscrites dans le « génie du lieu ». L’urbanisation, c’est donc aussi un moyen de marginaliser les relais sociaux que sont les cheikhs et les imams de village, les chefs tribaux et les dirigeants confrériques, pour aboutir à un face à face direct entre l’Etat omnipotent et l’individu.

D. Une explosion urbaine durable ?

Ce mode d’urbanisation est donc tout sauf spontané : il a été orchestré par le gouvernement central pour mieux contrôler et tenir à merci la population supposée hostile, et pour contrôler le territoire et s’emparer de ses terres agricoles. Cela a été possible grâce à l’aide humanitaire et à la présence voulue rassurante des troupes africaines, dites onusiennes. Mais que va-t-il se passer lorsque l’intérêt international et les financements qui lui sont liés disparaîtront ?

Pour le gouvernement, il est hors de question de rendre leurs terres et leurs villages aux déplacés : l’expulsion est définitive, en dépit de la dizaine d’engagements exprimés dans les enceintes internationales depuis 2004. Le maintien sous les armes des milices janjawid est là pour garantir ce non-retour. La population déplacée, en revanche, exprime unanimement sa volonté de retourner dans ses foyers, même si ceux-ci ont été systématiquement rayés de la carte, de manière qu’il n’en reste aujourd’hui, bien souvent plus trace à un oeil non averti.

Derrière cette unanimité affichée, qui est celle de tous les groupes déplacés du monde, la réalité est plus nuancée : l’attachement des jeunes au terroir est moins profond que celui de leurs aînés, et l’attraction exercée par la ville plus fort. Pour les femmes, le déplacement est synonyme de découverte d’une vie nouvelle, avec de façon emblématique la découverte de l’eau propre, à profusion, à la borne fontaine ou au réservoir du camp. Mais aussi la découverte des soins médicaux gratuits et de qualité pour les enfants, d’une vie sociale et communautaire hors des réseaux familiaux… Il est donc douteux que les femmes acceptent de retrouver la vie d’antan, tant que le retour au village ne garantira pas le maintien d’un accès à l’eau, à la scolarisation des enfants et à un service de santé primaire. Ce tableau idyllique fait peu de cas des souffrances et du traumatisme subis, qui restent associés à la mémoire du village.

Et surtout il est évolutif et variable d’un camp à l’autre : les services mis à disposition des déplacés sont précaires, et dépendent de la volonté et de la capacité des ONG à les maintenir ; or par définition, l’intervention des ONG dans un cas comme celui-là est celui de l’urgence, et ne prévoit pas la prolongation indéfinie des secours.

Il est hors de question que le gouvernement soudanais ou même un pouvoir régional puisse assurer ce minimum de services à la population rurale dont sont encore dépourvus la plupart des villages du reste du Soudan.

Finalement, la nostalgie de la vie d’antan est surtout le fait des hommes adultes, qui jouissaient d’une place éminente et reconnue dans la société, et d’une assise matérielle assurant prospérité et prestige. Les hommes sont aujourd’hui traumatisés par la perte de leurs proches et humiliés par le viol des femmes ; ils ont perdu leurs repères, et il est donc peu probable qu’ils soient en mesure d’entraîner leur famille derrière eux, dans le cas improbable où s’offrirait une possibilité de retour.

L’avenir prévisible de la plupart de ces déplacés est donc dans les camps, ou dans les lieux qui les ont accueillis : soit des villages épargnés, soit des villes où les avait précédé de la parentèle, soit encore dans l’émigration. Et les camps eux-mêmes sont appelés à se fondre dans les villes contigües. La population devrait, selon les plans du gouvernement, s’y intégrer ou s’y dissoudre, sous l’oeil vigilant de l’appareil sécuritaire. Ce projet procède de la vision globale du gouvernement militaro-islamiste de Khartoum pour l’ensemble du pays.

Conclusion : Idéologie islamiste post-moderne et modèle urbain

Le modèle islamiste a en effet un volet économique, qui est celui de la mondialisation : selon son mentor Hassan el-Tourabi, aujourd’hui écarté, mais dont les épigones ont gardé les leçons. Il consiste en un retrait de l’Etat de la sphère économique, laissée au libre-jeu des acteurs : sauf des arrangements cosmétiques, rien ne distingue ce projet du néo-libéralisme occidental. En corollaire, les islamistes ne reconnaissant d’autre autorité étatique que celle qui émanerait de la Communauté des Croyants, ils prônent l’abolition des barrières et des frontières aux échanges économiques. Ils sont donc de fervents partisans de la globalisation, dont ils ont souvent été souvent les acteurs dans les pays du Golfe ; cette conception va à l’encontre du développement régional équilibré des régions périphériques et marginalisées au sein d’un ensemble national. Le Darfour, tout comme le Sud Soudan, les monts Nouba ou le Sud Nil-Bleu, mais d’une manière générale l’ensemble des campagnes du Soudan, n’ont vocation que de fournir des matières premières ou des productions manufacturées destinées à la commercialisation au bénéfice des détenteurs du pouvoir politique et économique. Khartoum se transforme en une « Little Dubaï » avec marinas, grands hôtels, centres commerciaux, tandis qu’à quelques centaines de km, se déchaînent des guerres apparemment d’un autre âge, mais qui sont pourtant organiquement liées à ce modèle de développement. Et dans cette épure, les villes du Darfour ne sont que des relais auxquels sont dévolues les fonctions de captation des productions régionales, et le contrôle par un Etat totalitaire du maintien de l’ordre. Reprise du pacte colonial, au fond, qui passe par l’abolition d’un système foncier protecteur des cultivateurs et des éleveurs, et mise en place d’un système d’agrobusiness au profit d’investisseurs au pouvoir, associés avec des capitaux du Golfe en quête de « sécurité alimentaire » : le Soudan retrouve son rôle de « grenier du monde arabe » des années post-1973, avec cette fois-ci de meilleures chances de « succès ». Et le Darfour, mis au pas et rendu accessible et exploitable, est promis à un avenir de terroir agricole sans autres paysans que des ouvriers agricoles sur de grandes plantations mécanisées, si toutefois le succès technique, c’est-à-dire la mise en place d’un système d’irrigation efficace, est au rendez-vous.

L’une des clés de ce succès attendu est le transfert de la population rurale vers les villes. Ce transfert doit beaucoup à l’intervention occidentale, sous toutes ses espèces : elle a rendu les villes attractives, a facilité et justifié le quadrillage de la population par les forces de répression, et a soulagé les autorités du poids initial de cette population déplacée. Il est à noter que les éleveurs nomades, sur lesquels le gouvernement s’est appuyé pour mettre en oeuvre cette politique d’éradication des paysans, risquent d’être les premières victimes de cette mutation : déjà marginalisés par la dégradation de leur environnement, fragilisés par leur croissance démographique et par leur ouverture à la connaissance du monde extérieur, ils ne se mueront pas aisément en cultivateurs sur les terres qu’ils ont dévastées, et sont les moins aptes à la transformation en citadins. Ces contradictions, qui peuvent faire redécouvrir aux tribus dont sont issus les janjawid une solidarité fondée sur une appartenance et une symbiose avec leurs victimes, ne seront pas de taille à empêcher la mise en oeuvre de la politique gouvernementale.

Il en va de même pour les titres de propriété dont font état les déplacés, et qui sont une spécificité parmi les communautés villageoises de la bande sahélienne. Le gouvernement tient avant tout à éviter un mécanisme « paix et réconciliation » dont il n’a que faire, et même une révision du code foncier pour faire droit aux revendications des tribus qui s’estiment lésées, et qui furent instrumentalisées pour chasser les paysans de leurs terres.

Le cas du Darfour dévoile un mécanisme à l’oeuvre à l’échelle de tous les pays du Sud, et en particulier du continent africain, où se déroule un vaste mouvement d’expulsion des paysans et de leurs terres. Ce mouvement est généralement vu sous l’angle de l’attraction urbaine, de la quête d’emplois, mais peu sous celui de l’absence de politiques de développement et en particulier de développement rural, et sous l’effet du primat des intérêts des importateurs sur celui des producteurs locaux. S’y ajoute désormais sur une vaste échelle la quête de terres – et non plus de main d’oeuvre – à exploiter, pour satisfaire les besoins alimentaires croissants des grandes métropoles et des pays émergents. Les villes qui maillent le territoire rural sont donc vouées à devenir d’abord des lieux de contrôle, d’acculturation des hommes et de transformation des produits agricoles au service des métropoles branchées directement sur le système-monde, comme les maîtres de Khartoum y aspirent pour leur capitale.


Notes

1 Cette évolution prend le relais du processus de « soudanisation » des campagnards du Darfour, déjà notée par Paul Doornbos (1988).

Marc Lavergne
« Darfour : une guerre villes-campagnes ? »
Revue Géographique de l'Est vol. 49 / 4 | 2009

Directeur de recherche CNRS / Directeur du Cedej, Le Caire - marc.lavergne@cedej-eg.org




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