Micro et Nano Drone en VILLE

Micro Drone

Le drone, c’est l’application modernisée du panoptique à la ville entière, c’est un système de surveillance disciplinaire généralisé qui a pour mission de quadriller, contrôler, dresser les individus.
Noël Mamère, maire et député

Septembre 2007, une manifestation anti-guerre se tient à Washington. Une militante remarqua alors, survolant la foule, d'étranges insectes au comportement inhabituel, ressemblant à « des sortes de libellules ou de petits hélicoptères ». La presse s'intéressa à ses déclarations et s'interrogea sur la possibilité de l'utilisation à des fins policières de micro-drones, et d'accuser le gouvernement d'avoir mis à profit ces nouveaux micro-espions afin de filmer les manifestants. Mais en 2007, les directeurs des laboratoires ou centres de recherche affirmaient qu'aucun nano-drone de ce type était opérationnel. A-t-elle rêvé ? Il n’est pas aisé de l’affirmer car elle n’est pas seule à avoir observé ces étranges insectes qui ont été signalé par la suite -selon des témoignages de manifestants- au-dessus d'autres cortèges à New York. Comme l’on peut s’y attendre aucune agence gouvernementale n’a revendiqué un tel exploit d'innocentes libellules, de mouches énormes, véritables espionnes [?] d'un type nouveau.
Bilal, Album 32 décembre


Car c'est bien un des objectifs majeurs des État-majors militaire et policier : une miniaturisation extrême pouvant permettre à un engin camouflé de se déplacer en milieu urbain le plus discrètement possible, lui permettant également d'être ainsi moins vulnérable à un tir ennemi ; la seconde mission assignée à ces futurs insectes,  est le vol à l'intérieur des bâtiments pour des missions d'observation, de surveillance, de reconnaissance, d'espionnage, voire d'attaque [robot insecte kamikaze pouvant exploser]. Une nouvelle arme contre les simples manifestants, les opposants politique, les guérilleros urbains, qui pouvaient profiter des avantages de la grande ville pour se cacher, se dissimuler, se protéger.

A chaque type de drone -utilisé en milieu urbain- correspond une mission [et une technologie particulière] : les drones de grande envergure accomplissent des missions militaires/policières au cours desquelles ils s’avèrent particulièrement utiles lors de combats au contact, pour les fantassins, les commandos et les véhicules, en environnement ouvert ou urbain. Ils peuvent aussi être dédiés à la détection, la surveillance, la désignation de cibles, le relais radio, et être optionnellement armés. Les micro drones sont aussi tout désignés pour mener efficacement des missions de sécurité globale, à travers des opérations de police diverses, du pistage de suspects à la surveillance de manifestations. Les nano drones seront -dans un avenir proche ?-davantage destinés au mission d'espionnage, et notamment à l'intérieur de bâtiment. De fait, utilisés conjointement, combinés avec d'autres technologies liées à la surveillance par satellite, ils forment un système performant, selon les militaires. Militaires d'ailleurs très discrets quant aux réelles applications.



1 ère génération de drone urbain :
Marquer le territoire, Surveiller, Terroriser, Punir, Tuer

Drone / Etats-Unis

Drone opérationnel dédié à la surveillance en milieu urbain utilisé par la police aux USA. Il en existe aujourd'hui des centaines de modèle ; la France dispose d'un type de drone urbain-policier : ELSA (engin léger pour la surveillance aérienne). Très efficace, ces engins volant peuvent embarquer nombre de senseur, détecteur, caméra, infrarouge,  haut parleur, micro, etc. et, sans aucun doute des armes. Peu discret, ce type de drone est très vulnérable. A l'inverse, il ne fait aucun doute que les plus hautes autorités utilisent ces engins futuristes parfaitement effrayant pour démontrer leur puissance, pour prévenir autant qu'avertir les velléités des contrevenants à la loi, des manifestants et des opposants. Les drones sont là pour leur rappeler la suprématie de l'Etat, ils en sont le symbole et sans aucun doute l'avenir.

Drone / Japon

Ainsi, par exemple cet été 2009, lors de la grande fête organisée à Londres pour célébrer l’attribution des prochains Jeux olympiques 2012, des drones de la police ont volé au-dessus de la foule. Une participante s’en souvient : “Les orchestres jouaient, la fête battait son plein. Soudain, il y a eu cet étrange objet qui survolait la foule. Mon mari s’est écrié : ‘C’est quoi, ça ?’ On aurait dit un robot sorti tout droit d’un film de science-fiction. Il détonnait avec l’esprit de l’événement, qui était une grande fête, une célébration.”
En matière de sécurité civile, les drones apporteraient leur précision pour renforcer le renseignement au plus près et en temps réel : reconnaissance et surveillance de quartier, soutien à l’ordre public et à la sécurité, surveillance d’événements et de manifestations. Lors de manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes, les drones peuvent, en cas de débordement, identifier les émeutiers grâce à leurs caméras embarquées et les immobiliser en projetant du gaz lacrymogène. Cela étant, pour les législateurs, les drones posent de grandes questions en termes de liberté individuelle, et d’acceptation par les populations.

Drone / Allemagne [SmartBird]


Un autre type de drone présente l'avantage de concilier une masse importante pouvant embarquer nombre de systèmes et un camouflage le rendant plus ou moins discret, tel ce drone d'une firme allemande déguisé en mouette géante et qui imite parfaitement le mouvement des ailes -selon le constructeur.

2 ème génération / Echelle Micro  : 
Micro Air Vehicle (MAV) : Surveiller et Punir

La nouvelle génération opérationnelle est bien plus discrète, comme ce drôle de drone camouflé en innocent colibri, particulièrement efficace. Les micro air vehicles (MAVs), moins imposant, se caractérisent par une masse de moins de 100 grammes et d'une envergure de moins de 15 centimètres. L'inconvénient de ce type est qu'il ne peut pas embarquer un grand nombre de senseurs et détecteurs. Il peut être utilisé pour les missions de surveillance et sans doute de destruction par auto-implosion.
Micro Air Vehicle - Colibri

Selon la presse US, ce type de drone a été très peu utilisé en mission réelle notamment en raison de leurs faibles capacités de calculs. Mais à l'avenir, une application certaine sera l’exploration et l'inspection à l'intérieur de bâtiments, en temps de guerre urbaine par exemple, une mission à très haut risque, très, trop, coûteuse en soldatesque. En envoyant un drone à l’intérieur d'un bâtiment, il serait alors possible de collecter de nombreuses informations : nombre de combattants ennemis, otages, position des tireurs, configuration des espaces, etc…
Micro Air Vehicle


3 ème génération / Echelle Nano : Surveiller, Espionner
. Nano Air Vehicle (NAV)
. Micromechanical Flying Insect (MFI)
. Hybrid Insects - Micro Electro Mechanical Systems (HI-NEM)

La prochaine génération opérationnelle d'ici quelques années, voir une décennie ou plus -à moins que déjà ?-, est encore plus insidieuse qui pousse plus loin la miniaturisation. Les innovations se développent dans deux programmes de recherches :
1. les nano drones [nano air vehicles (NAVs)] font l'objet d'intenses recherches financées en partie par les militaires. 

Micromechanical Flying Insect

Une sous-catégorie exploite la miniaturisation extrême et porte sur des insectes volants micro-mécaniques (Micromechanical Flying Insect ou MFI). En 2010, le record est un nano-robot d'un poids de 60 milligrammes, et d'une envergure de 3 centimètres. Développé par le Harvard Microbiotics Lab., il ne fait que voler, est encore in-dirigeable, et n'embarque aucun système ; mais c'est une des voies de recherche privilégiées, l'arme de demain.


Une telle miniaturisation a soulevé non seulement plusieurs problèmes mécaniques et techniques (la fabrication en tant que telle) mais aussi plusieurs difficultés théoriques, comme par exemple en aérodynamique. Car en effet, l’utilisation des drones en milieu urbain présente des faiblesses réelles : bourdonnement excessif peu naturel, trop sensibles aux rafales de vent, aux intempéries, aux poussières, au effet de canyon urbain, en volant très bas, ils s’exposent à un spectre de fréquences sursaturé où les interférences sont nombreuses et les risques de perte de transmissions élevées, et plus grave de crash... A ces problèmes techniques s'ajoutent ceux de la juridiction, mais ceux-ci ne présentent guère de difficultés. Les difficultés sont nombreuses dont notamment la charge utile qu'ils peuvent transporter ; et l’endurance (autonomie) : la plupart des modèles connus sont équipés de moteurs électriques et les batteries ne peuvent généralement être utilisés plus d’une heure. A moyen terme, les batteries devront être miniaturisées ou bien le système de propulsion devra être modifié (thermique, etc…) [2].
En outre le quotidien The Chicago Tribune n’a pas hésité à reproduire une vidéo de l’Air Force Research Laboratory sur un projet de robots insectes kamikazes qui seraient capables de se poser sur un sniper et se faire exploser avec.
Futur: le  Nano Drone

2. les insectes hybrides HI-MEMS [Hybrid Insects - Micro Electro Mechanical Systems] : depuis 2006, la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) finance des recherches pour développer un coléoptère piloté à distance à l’instar d’un mini-drone.  L'objectif consiste à contrôler à distance la locomotion de l’insecte, de façon à pouvoir, en fonction des besoins, modifier ou commander sa trajectoire et certaines de ses réactions. 


Car construire des drones de très petite taille est une opération extrêmement complexe : la miniaturisation des composants, leur fabrication, leur assemblage exige une technologie aujourd'hui expérimentale. De plus, les faire voler est aussi complexe car la mécanique des fluides qui s'applique à cette échelle est complètement différente de celle régissant le vol des oiseaux ou des avions, et notamment en milieu urbain.

Face à ces problématiques, les scientifiques ont donc eu l'idée d'utiliser ce qui est petit et vole déjà très bien tout seul : l'insecte.



Selon certains chercheurs, aucun robot ne peut rivaliser avec les performances de vol d’un véritable insecte comme, par exemple, le hanneton qui est suffisamment gros pour transporter des électrodes. Ainsi, les scientifiques s’intéressent de près à la morphologie de certains insectes pour les transformer en véritables micro-drones de surveillance. Aux Etats-Unis, la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) finance des recherches [3] à des fins militaires pour développer un coléoptère piloté à distance à l’instar d’un mini-drone. La première phase du projet HI-MEMS (Hybrid Insects - Micro Electro Mechanical Systems) consiste à contrôler à distance la locomotion de l’insecte de façon à pouvoir en fonction des besoins, modifier ou commander sa trajectoire et certaines de ses réactions, via des transmissions radio lançant des stimuli vers des électrodes placées dans les muscles ou le cerveau, pouvant inciter au décollage, faire changer de direction de vol, faire changer d’altitude en faisant changer la fréquence des battements d’ailes, etc. 

Le problème majeur vient pour l’instant du contrôle à distance qui exige de l’énergie pour alimenter les électrodes. Or, cette énergie est actuellement délivrée par de petites batteries n’ayant que quelques minutes d’autonomie. Les Américains ont donc eu l’idée de récupérer l’énergie produite par les vibrations du battement des ailes. Ils ont ainsi implanté sur l’insecte à la base des ailes ou encore sur ses élytres (ailes antérieures dures qui recouvrent les ailes postérieures au repos), un matériau dit piezoélectrique, qui transforme en courant les micro-vibrations dues au battement.

Les ingénieurs et autres scientifiques se sont peut-être inspiré de la mouche-mécanique-virtuelle-tueuse imaginée par le dessinateur Enki Bilal, en 1998...
Bilal, Album 32 décembre

Toutefois, pour le moment, ces cyber-insectes ne sont encore que des prototypes de laboratoire. Mais d’ici à quelques années, les nouvelles recrues de l’armée américaine pourraient bien être des insectes. Le plus sérieusement du monde, des associations de défense des Animaux émettent déjà, les plus vives critiques...

FUTUR [Paranoïaque ?]

Dans un futur plus ou moins proche, les services de police pourront  se doter de nouvelles nano-armes se complétant admirablement, pour former ensemble un système performant de surveillance, d'espionnage et d'attaque. Ainsi donc, tôt ou tard, cet étrange insecte volant au-dessus d’une foule pourra être un micro-espion renvoyant des images des participants ; dans un avenir proche, une grosse mouche pourra s'introduire dans les demeures pour y espionner ou bien assassiner un opposant politique. On peut se demander quelles peuvent être les applications en cas de nuées de cyborg-insectes...
Bilal, Album 32 décembre


La menace est bien réelle pour les opposants politiques et, sans aucun doute pour les futurs révolutionnaires... Cela étant, face à une révolte populaire urbaine d'envergure, ce système se révèle d'aucune efficacité et c'est davantage dans la phase pré-insurrectionnelle, qu'il peut véritablement être de la plus grande efficacité. Car il s'agit avant tout, d'une technologie qui se superpose aux opérations de surveillance, et d'infiltration.

ANTI DRONE

L'inventivité des rebelles et révolutionnaires, toujours prompts à imaginer des solutions réduisant les dangers technologiques ; l'ingénierie militaire et policière n'est pas un domaine reservé aux états : les films de science fiction nous donnent un aperçu plus que crédible de tactiques insurrectionnelles  : piratage ou infiltration informatique par les hackers, voire d'engins radio-téléguidés, brouillage des réseaux, des ondes de transmission/réception,  utilisation des réseaux souterrains, etc.
Bilal, Album 32 décembre

Outre le fait que ces insectes-cyborgs sont des proies faciles pour leur principal  prédateur  : les oiseaux ; et ne sont guère épargnés par les insecticides, une forte pluie. De plus, ceux qui mettraient à profit de tels engins devront toutefois affronter une amère réalité, leur vulnérabilité : une claque ou la précision d'une tapette sur une mouche-espion suffira à réduire à néant une arme d'ultra-haute technologie mais sans système de défense, qui représente plusieurs dizaines de milliers d'Euros. De même, un autre inconvénient de taille est la possible détection, le piratage ou le parasitage des flux de données envoyées/reçues par l'insecte-robot. Technologie qui a déjà fait ses preuves sur des drones classiques [Predator], avec un logiciel civil russe coûtant 26 $... Mais c'est une légende [4]. Dans un autre domaine, une technologie imaginée par de jeunes chercheurs d'Oslo a permis de visualiser les réseaux wifi et d'une manière générale, il est aisé de brouiller n'importe quelles ondes radio ou électro-magnétiques.
Light Painting Wifi  : Timo Arnall, Jørn Knutsen, et Einar Sneve Martinussen

De même encore, nos futurs révolutionnaires pourront également utiliser et adapter un des nombreux drones civils, moins performants certes, qui sont aujourd'hui commercialisés, utilisables avec un simple Iphone. Un excellent exemple de la contradiction de l'industrie capitaliste qui ne s’embarrasse pas de telles présomptions : 299,99 euros pour acquérir un outil d'observation aérien performant ... modifiable à souhait pour d'autres missions révolutionnaires.




La VILLE et le Drone

Aujourd'hui, nombre de voix, aux Etats-Unis, à la pointe de la recherche, s'oppose ou s'interroge sur l'utilisation plus que probable, par les forces de police à des fins de surveillance, des premiers micro-drones opérationnels ; en affirmant qu'il s'agit d'une dérive totalitaire [5], évoquant les pires films de science fiction de série B et affirmant que le Futur est Présent. Mais les cas avérés de telle utilisation sont trop rares pour que le débat puisse véritablement entraîner une polémique, ou même intéresser le grand public.



Plus nombreuses, sont celles qui dénoncent et s'opposent vivement à l'utilisation du drone policier -de plus en plus courant- survolant surveillant les villes. Ainsi l'écologiste Noel Mamere, maire de Bègles et député de Gironde, qui signa cet article au drôle de titre :

Les banlieues sous drone de surveillance

Alors que le Parlement s’apprête à entériner l’amendement ADN dans une loi sur l’immigration annonçant la fin du regroupement familial et le démantèlement du droit d’asile, l’information selon laquelle le ministère de l’Intérieur utiliserait des drones pour surveiller les banlieues renforce le sentiment de guerre civile rampante. Le projet nommé Elsa (engin léger pour la surveillance aérienne) a été présenté la semaine dernière au Salon Milipol consacré à la sécurité intérieure. Il se présente comme un oiseau d’un mètre de large et de soixante centimètres de long, muni d’une caméra.

Ce drone équipera la police nationale pour surveiller à distance les quartiers populaires et les manifestations. Des drones ont déjà été utilisés en Israël pour des missions de contrôle mais aussi pour des actions militaires. Leur généralisation en France serait une étape de plus dans la stigmatisation d’une partie de la population, au moment où ressort en livre de poche le classique de Louis Chevalier : Classes laborieuses et classes dangereuses. De fait, il s’agit davantage de créer un climat de défiance envers les habitants des banlieues que de chercher à réduire une violence réelle.

La métaphore est évidente : les cités doivent être entourées par des murs virtuels sous contrôle aérien permanent. Le sentiment de vivre dans des territoires sous occupation militaire, dans une sorte de colonisation, est déjà intériorisé par de nombreux jeunes issus de l’immigration depuis les émeutes de novembre 2005 au cours desquelles fut instaurée la loi sur l’état d’urgence, appliquée pour la première fois depuis la guerre d’Algérie. Ce sentiment risque de sortir renforcé par l’exhibition obscène de cette « technologie du futur » qui va faire passer 1984 de George Orwell pour un conte de la comtesse de Ségur !
Les discours à répétition sur le Kärcher, l’identité de la France, la colonisation positive, les caractéristiques de l’homme noir, les rafles jusque dans les écoles, les amendements concernant l’ADN et l’exclusion des sans-papiers de l’hébergement d’urgence ont une seule et même logique que je n’ai cessé de combattre depuis des mois : trouver des boucs émissaires, stigmatiser, racialiser la question sociale.
Cette logique de guerre coloniale conduit à des drames, comme celui de la mort de Chunlan Zhang Liu, Chinoise sans papiers qui s’est défenestrée le 21 septembre pour échapper à un contrôle de police. Auparavant, quatre autres étrangers s’étaient défenestrés, en deux mois, témoignant de la peur qui s’est installée chez des milliers de familles qui n’osent plus sortir, circuler, aller travailler, étudier à l’école... Les droits fondamentaux sont bafoués.
Les drones en banlieue ne sont qu’un dispositif de plus dans ce système de surveillance généralisé qui s’installe jour après jour. Dans son ouvrage Surveiller et punir, à propos de la prison, Michel Foucault décrivait ce qu’il qualifiait de « panoptisme », ce système dans lequel le maton, isolé dans sa tour, surveille ses détenus sans être vu. L’effet majeur du panoptique : induire chez l’individu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir ; faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action ; que la perfection du pouvoir tende à rendre inutile l’actualité de son exercice. Foucault poursuit : « Un assujettissement réel naît mécaniquement d’une relation fictive, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des moyens de force pour contraindre le condamné à la bonne conduite, le fou au calme, l’ouvrier au travail, l’écolier à l’application... » Le drone, c’est l’application modernisée du panoptique à la ville entière, c’est un système de surveillance disciplinaire généralisé qui a pour mission de quadriller, contrôler, dresser les individus.

La société de surveillance des drones et le bio pouvoir instauré par l’ADN sont en train de transformer la démocratie et de dessiner la société du futur. Accepterons-nous sans résistance ce « monde merveilleux » où une partie du corps social vivra la peur au ventre, confinée dans un apartheid qui ne dit pas son nom ? La société se laissera-t-elle prendre en otage par un Etat autoritaire surplombé par un surpouvoir monarchique qui règne sur un espace où chaque individu est sans cesse repéré, fiché, examiné, enregistré à son insu, où ses moindres mouvements sont surveillés par des milliers de caméras de vidéosurveillance ? Ce totalitarisme soft doit être combattu pour ce qu’il est, la négation des valeurs qui, de la Révolution française à la Résistance, en passant par 1848, la Commune ou Mai 68, ont forgé la seule identité nationale que je reconnaisse et qui se lie dans les trois principes inscrits sur les frontons de la mairie de Bègles et des 36 000 communes de France : « Liberté, Egalité, Fraternité ».
J’appelle les maires dont les habitants vont être l’objet de cette suspicion généralisée à faire respecter ces principes en déclarant leur ville « zones hors surveillance aérienne ». Les drones ne passeront pas dans le ciel de ma commune.

Noël MAMERE
Maire de Bègles et député (Verts) de Gironde.
2007



NOTES

[1] Un drone (« faux bourdon » en anglais), ou UAV (Unmanned Aerial Vehicle) est un aéronef sans pilote humain à bord, qui emporte une charge utile, destinée à des missions de type surveillance, de renseignement ou de combat. Ils sont en général utilisés au profit des forces armées ou de sécurité (police, douane, etc.), mais peuvent avoir aussi des applications civiles. La taille et la masse (de quelques kilogrammes à plusieurs tonnes) sont fonction des capacités opérationnelles recherchées. Le pilotage automatique ou à partir du sol permet d'envisager des vols de très longue durée, de l'ordre de plusieurs dizaines d'heures. On parle de plus en plus souvent de « systèmes de drones », car en effet, le drone lui-même est le constituant d'un système qui est composé, d’un ou plusieurs vecteurs aériens équipés de capteurs de détection, d’une ou plusieurs stations au sol de commande et de recueil des détections, de liaisons radioélectriques de données entre le vecteur aérien et la partie au sol. Le terme drone désigne la plupart du temps le seul vecteur aérien équipé. La famille des drones comprend plusieurs catégories :
les macro et nano drones ;
les drones tactiques, lents ou rapides, à voilure fixe ou tournante appelés TUAV (Tactical Unmanned Air Vehicle) ;
les drones volant à moyenne altitude et de grande autonomie appelés MALE (Medium Altitude Long Endurance) ;
les drones volant à haute altitude et de grande autonomie appelés HALE (High Altitude Long Endurance) ;
les drones de combat, encore appelés UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle).

[2] L’Université de Caltech en Californie mène par ailleurs des recherches sur un engin dont le vol serait inspiré de la samarre, ce fruit sec de l’érable qui tombe en tourbillonnant avec un mouvement d’auto-rotation qui freine fortement sa chute. David Lentink de l’Université de Wageningen, Hollande qui mène ces recherches avec le Caltech (Californie, USA) aimerait s’inspirer de ce lent tourbillonnement pour créer un micro-drone dont la sustentation serait exemplaire.

[3] menées notamment par Ethem Erkan Aktakka de l’université du Michigan.

[4] Comment pirater les vues aériennes d'un drone Predator pour 26 $ ?
Est-ce que les drones, ces appareils sans pilotes utilisés pour surveiller les zones en guerre sont fiables ? A priori, non. Il semble que les « Predator », utilisés par l'armée américaine pour surveiller l'Irak, ont une faille de sécurité qui permet aux insurgés de vérifier, en direct, ce que voient les drones. Et s'ils voient la même chose que les drones, ils peuvent donc savoir de façon simple les endroits où les Américains vont frapper. Concrètement, les insurgés utilisent un programme vendu pour moins de 26 $ (SkyGrabber) et une simple parabole pour capter les flux vidéo envoyés par les drones à 4,5 millions de dollars. En effet, il semble que les Predator envoient les données directement à un satellite, sans le moindre chiffrement et qu'elles sont ensuite envoyées aux forces américaines sur place, toujours sans chiffrement. Et SkyGrabber est un petit programme qui permet de récupérer les données envoyées depuis un satellite et de les rendre lisibles par un PC, de façon simple.

[5] Le Figaro, article 21 juin 2005 : dans l’ombre immense des ailes de l’A-380, il fallait de bons yeux pour trouver le plus petit engin volant du Salon du Bourget. Six centimètres d’envergure. Un insecte, une libellule plus exactement, puisque c’est le nom de ce programme de la très sérieuse DGA (Délégation générale pour l’armement). Un projet au service des terriens : le nanodrone Libellule se veut « l’oeil déporté » du soldat du futur, l’outil qui lui permettra enfin de voir, et tirer, dans coins et recoins. La famille sans cesse élargie des aéronefs sans pilote comptait déjà les microdrones, rejetons tardifs des drones d’observation et de combat dont l’usage explose aujourd’hui en Irak. Des engins longs d’à peine quelques dizaines de centimètres, développés notamment par les chercheurs américains. Avec le nanodrone, les ingénieurs français explorent un peu plus loin les voies du minuscule. Lancé il y a deux ans, le projet se veut « bio-inspiré ». « Les minidrones expérimentaux américains sont très sophistiqués mais reposent sur des technologies relativement conventionnelles avec un minimoteur notamment, explique Pierre-François Louvigné, l’un des responsables du programme à la DGA. Ici, il s’agit de reproduire les mêmes caractéristiques mécaniques que l’original biologique. » La Libellule sera ainsi mue par quatre petites ailes de 3 centimètres, qui font appel à une technologie totalement inédite : chacune d’entre elles compte 180 000 muscles répartis sur sa surface, des fibres à peine plus grosses qu’un cheveu. Excités électriquement, ces nanomuscles artificiels s’affaissent et se redressent, ce qui produit un battement d’une amplitude de 40° en bout d’aile, proche du modèle animal. Le poids total du nanodrone en silicium, énergie incluse, ne devrait pas dépasser 120 milligrammes.
La DGA a passé un contrat de recherche avec la société Silmach www.silmach.com/index.html, une émanation du CNRS et de l’université de Franche-Comté. « Ce programme comporte des enjeux qui pourraient s’avérer énormes en terme de rupture technologique », assure Pierre-François Louvigné. Aujourd’hui, le battement des ailes est maîtrisé, mais il reste à faire voler l’engin, y intégrer moyens de navigation et de communication suffisamment miniaturisés. « Nous ne maîtrisons pas toutes les technologies nécessaires, poursuit-il, nous sommes en pleine science-fiction, mais qui pouvait croire il y a un an et demi que nous ferions battre ces ailes... »
En 2030, les libellules pourraient voleter sur le champ de bataille. Leurs concepteurs voient un nanodrone qui, plié, tiendrait dans un étui de la taille d’une demi-cigarette. Un combattant pourrait en avoir une vingtaine dans sa poche, puisque Libellule est jetable. La section est bloquée par un nid de mitrailleuses ? Une progression en terrain urbain se révèle hasardeuse ? Libellule est lancée d’un simple coup de main et va voir ce qui se cache derrière le bosquet, dans la bâtisse qui barre la route. L’oeil du drone sera, lui aussi, bio-inspiré en prenant pour modèle celui de la mouche. La guerre de demain promet un drôle de bestiaire.

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